jeudi 26 avril 2012

L'Arabie, c'est où, dites ?

On m'aura tout fait.

Dans trois jours nous rentrons en Arabie Saoudite et j'adopte l'abbaya.
Dans six jours nous en sortons et je retrouve ma liberté. 
Dans six jours nous serons en Jordanie.

Allez-y riez, profitez-en... (mais notez que j'ai quand même opté pour la version disco, non mais...)


dimanche 22 avril 2012

Oman de l'intérieur

Tout d'abord que je vous rassure : les eaux sont redescendues presque aussi vite qu'elles étaient montées et nous avons pu quitter Sinaw. Suite à cette expérience et face à des prévisions météo inquiétantes, nous avons décidé qu'il était plus raisonnable de quitter Oman et de rejoindre les Emirats. Avec un visa omanais qui court et surtout un visa pour l'Arabie saoudite à la validité limitée, nous ne pouvons nous permettre de rester bloqués trop longtemps entre deux wadis.
Mais nous avons passé des moments incroyables dans ce petit quartier de Sinaw. Vous connaissez maintenant à travers nos récits l'hospitalité omanaise. Nous n'avions toutefois jamais eu l'occasion d'entrer dans les maisons et c'est avec plaisir que nous avons accepté les invitations nombreuses qui nous ont été faites lors de cette journée pluvieuse.
Les femmes sont venues me chercher et je me suis retrouvée dans une ambiance chaleureuse, bruyante et gaie, à boire le thé et manger des dattes. Elles m'ont vite expliqué : "Dans le quartier on est toutes soeurs ou cousines. Comme tu vis dans notre quartier, tu es notre soeur alors tu as le droit d'entrer dans toutes les maisons, de venir dormir chez nous, de venir te laver, laver ton linge, manger, faire ce que tu veux !". Je leur ai dit que j'étais ravie puisque j'ai toujours rêvé d'avoir une soeur. Elles m'ont répondu qu'à Oman tu n'as jamais une soeur, mais 7 ou 8. Soit. Elles m'ont fait visiter le quartier, qui est en gros effectivement le fief d'une famille. Cette famille vit en très bonne entente avec une famille de bédouins qui viennent s'installer là tous les étés pour quelques mois dans la ville et à ses portes.
Nous avons ensuite été invités à déjeuner dans une autre maison (chez des cousins donc !). A peine arrivés devant l'énorme maison (les maisons omanaises sont très très grandes), le maître de maison m'a ouvert la porte et fait signe d'entrer. Je suis entrée avec les enfants. Après avoir salué une première femme que j'ai prise pour la maîtresse de maison puisqu'elle avait un bébé dans les bras, une seconde pour la même raison, elles m'ont dit que Madame allait arriver. Nous avions oublié ce qui allait se confirmer : les familles omanaises ont en général deux employées-maid-nounous, indonésiennes, philippines ou sri-lankaises, toujours musulmanes. La maîtresse de maison est arrivée, puis une soeur (ou nièce) et sa mère. Pensant que les hommes traînaient dehors en bavardant j'ai envoyé Ulysse le chercher, n'osant pas m'installer tant que tout le monde n'était pas là. Il est revenu m'expliquer la situation : Xtophe était entré, par une porte à gauche de la porte d'entrée, dans le salon réservé aux hommes. Il allait rester là avec le maître de maison. Très vite la grand-mère a d'ailleurs chassé Ulysse, lui disant d'aller avec son père, il est désormais trop grand pour rester avec les femmes, Ulysse en a été dépité. Gaspard et Léon jouaient avec les autres enfants de la maison et du quartier parce qu'on ne sait jamais trop qui est qui et les enfants entrent et sortent en permanence. On nous a servi le kawa (un café fort, aromatisé à des épices que nous n'avons pas su identifier), avec les éternelles dattes, et des fruits. Par terre, comme toujours. On s'est dit qu'on avait peut-être mal compris et qu'on nous avait invité juste pour le café.
Mais finalement les femmes m'ont dit d'appeler les enfants, et nous ont indiqué une salle à manger. Nous y avons retrouvé Xtophe, puisque cette salle à manger jouxte le salon des hommes. Coussins le long des murs, et un festin posé sur une nappe sur le sol. La bonne a entrouvert la porte pour nous faire entrer et l'a vite refermée. Nous avons attendu un peu, hésité mais avons compris... que nous allions manger seuls, en famille, dans cette pièce ! Nous nous sommes régalés, riant de cette situation plus que toquée pour nous. A la fin du repas, je suis repartie dans la maison avec Rachel, Léon et Gaspard. Le maître de maison a vite rejoint Xtophe et Ulysse dans le salon des hommes. Lorsque nous sommes repartis, Xtophe est sorti par la porte extérieure. Il n'aura pas vu une femme, ne les aura pas saluées ni remerciées, il n'aura pas mis un pied dans la maison.
Et c'est ainsi dans toutes les maisons. Au cours des nombreuses invitations à boire le thé (et manger des dattes arggg), j'aurai fait le tour des maisons, tout visité, on m'aura présenté les grand-parents (très beaux mais très impressionnants : des parchemins tout secs aux yeux de porcelaine... pas de chirurgie laser ici...), tandis que Xtophe ne sera entré que dans la pièce des hommes située à l'entrée de la maison.
Ces maisons ont des pièces immenses. Elles ont parfois, en face du salon des hommes (très confortable, meublé de canapés qui font le tour de la pièce), une pièce de réception pour les femmes, en général plus sommaire, meublée d'un tapis et d'une télévision. Il y a une chambre pour les garçons, une pour les filles, et ce qui a frappé les enfants c'est qu'il n'y a pas de jeux, pas de jouets, pas de livres. Parfois une wii, mais les enfants vivent tous dehors. La cuisine est séparée de la maison, elle est le royaume des bonnes. Les garde-manger m'ont confirmé l'impression que j'avais : ils n'ont sans doute pas beaucoup changé depuis des siècles. Pas de produits industriels ou très peu. Des sacs, des jarres, des bocaux. Beaucoup de maisons possèdent un jardin avec quelques herbes, palmiers dattiers (évidemment), et animaux : chèvres (plus nombreuses que les dromadaires et qui envahissent les rues), des poules, des oiseaux et lapins.
Nos enfants ont été séduits par cette vie de quartier, qui est en fait une vie de famille. A 12 enfants par famille, ils ne savent même plus vraiment qui est qui et de toute façon tous sont cousins. Les enfants jouent librement dans les rues, pied-nus (et un jour de pluie chez eux est comme un jour de neige chez nous, il faut les voir jouer dans les flaques et dans la rivière miraculeusement surgie dans son lit) enfin certains moins librement que d'autres, les filles sont voilées à partir de 9-10 ans. Et garçons et filles ne se mélangent pas, évidemment, comment le pourraient-ils ? La journée des hommes, quand ils ne travaillent pas, est rythmée par les aller-venues à la mosquée. Souvent les garçons revêtent leur belle tenue et viennent attendre leur père, petit entraînement sans doute. Les femmes prient chez elles, même si elles ont une mosquée où elles doivent aller pour certaines circonstances. Les bonnes s'occupent des enfants, de la maison, de la cuisine, des vieux. Comme aux Emirats, elles travaillent sans relâche. 
Nous n'avons que très peu de photos parce qu'il est impossible d'en prendre. (mais nos autres photos sont en ligne ICI ) Les femmes refusent d'être prises en photo, elles n'en ont sans doute pas le droit. Les seules fillettes qui acceptent sont celles qui ne sont pas encore voilées.
A Oman, nous avons remarqué un grand absent : le livre. La lecture plus généralement. Nous n'avons jamais vu personne lire ne serait-ce qu'un journal. Hormis le Coran ou ses versets, pas un livre dans les maisons. Certes la culture arabe est une culture orale (et nous faisons les frais du téléphone arabe lorsque nous arrivons quelque part) mais on comprend vite aussi que pour maintenir un peuple dans un mode de vie et de pensée ancestral, régi par des règles religieuses très strictes que nul ne songe à remettre en question, mieux vaut le bercer de prières, de confort matériel (réservé aux omanais) et ne pas lui donner trop l'envie de lire. Et c'est un tour de force quand on organise l'immigration (il faut de la main d'oeuvre) qu'on modernise le pays, qu'on construit des infrastructures touristiques et qu'on souhaite le développer économiquement. Mais le modèle émirati a prouvé que c'était possible.

Entre émerveillement face à l'exotisme, à la beauté des paysages, des personnes, à cette hospitalité réelle, et révolte par tous ces aspects d'un monde très dur, régi par des règles immuables et que personne ne songe à remettre en question, des règles totalement iniques, Oman ne nous aura pas laissés indifférents.

Mais plus que jamais, et aujourd'hui particulièrement, nous chérissons notre liberté de français.

(crédit photo Odile, merci !)

jeudi 19 avril 2012

L'Arche des Toqués


Oman est un pays aride. Mais il est formé de vallées entre les
montagnes escarpées, creusées par les wadis, fleuves la plupart du
temps asséchés. Les lits des rivières servent donc de route, et
toutes les routes traversent ces lits. Il parait effectivement inutile
de construire une multitude de ponts alors qu'il n'y a quasiment
jamais d'eau.
On a bien ri depuis notre entrée à Oman, lisant sur les panneaux en
bord des routes de désert : "if water is at red, stop". Effectivement
les lits de rivières sont notés par des poteaux blancs et rouges qui
servent de repère. Difficile d'imaginer qu'il puisse y avoir de l'eau
à ces endroits-là...
Nous ne rions plus aujourd'hui.
Il y a quelques jours nous avons quitté le royaume des tortues pour
visiter l'intérieur du pays. Fiers de nous, nous avons battu des
records de vitesse pour expédier l'intendance à Sur, et manger dans
notre restau préféré. Il faut dire qu'après nous être levés trois
matins d'affilée à 4h pour traquer nos amies pondeuses, nous avons du
mal à reprendre un rythme normal et sommes sur le pont avec le soleil.
Nous nous sommes arrêtés admirer le chantier des dhows, ces bateaux
traditionnels en bois et on a bien cru que Xtophe allait rester là.
Finalement il a accepté de repartir avec nous mais l'a sans doute
regretté. A peine avions-nous redémarré que notre fichu "@€/*£¥$
de voyant s'allumait sur le tableau de bord. Moral au fond des tongs
dans le cockpit. Mais aucun symptôme évident alors on a poursuivi
notre route. Avec des enfants archi pénibles à l'arrière, incapables
de se taire, ce qui arrange toujours la situation. Puis pour couronner
le tout, dans un virage, en montée, paf, un pneu qui nous lâche. Et
comme si c'était un pneu ce serait trop simple, c'est la jante qui
s'est cassée. Évidemment comme il était midi à peine passée, il
faisait très très chaud, et pour ajouter à l'ambiance délicieuse de
ce bon moment, la roue de secours restait bloquée sous le Toqcar.
Plusieurs omanais se sont arrêtés pour nous proposer leur aide, nous
donnant de l'eau fraiche et risquant de tâcher leurs belles robes
blanches. Ils étaient surtout choqués de me voir dehors en plein
soleil mettre la main (enfin... Tout est relatif) à la pâte.
Heureusement MacGyver en a vu d'autres et de bien pires. Et quand nous
avons redémarré, parce qu'il y a quand même une justice, le fameux
voyant s'était éteint. Et les enfants s'étaient calmés.
Nous avons repris notre route vers le wadi Bani Khalid, parce que les
rivières asséchées ou basses forment de sublimes lieus de promenade
et de baignade.
Considérant que nous avions eu notre part quotidienne d'ennuis, nous
nous sommes engagés sur la route de montagne même si nous n'avions
plus de roue de secours. La route est belle mais les omanais font les
routes de montagne comme les mongols : tout droit dans la pente. (un
inspecteur de l'éducation nationale omanaise nous a dit que nos routes
de montagnes françaises étaient romantiques) et moi, depuis peu, je
ne supporte plus les routes de montagne, donc autant vous dire que je
n'ai pas profité du paysage. Sans parler des passages qu'on n'est
jamais certains de pouvoir remonter, je vous épargne le fait qu'on les
a donc descendus... Heureusement que j'ai totalement confiance en mon
chauffeur.
Arrivés dans un lieu qui nous a prouvé que nous nous étions trompés
de route, et déjà assez envahi par l'eau du wadi, nous avons eu peur
des nuages qui s'accumulaient sur les sommets et avons décidé d'aller
bivouaquer en hauteur. La vue était superbe. Nous avons profité du
calme de ce lieu et de mon calme (tout est relatif là aussi) retrouvé
pour faire un grand ménage par le vide dans le Toqcar. Objectif :
perdre du poids pour ménager nos jantes, nos freins et mes nerfs.
L'orage a été impressionnant et la pluie est tombée toute la nuit.
Le matin, nous nous sommes retrouvés face à une première route
coupée par l'eau. Des gens du coin nous ont montré un autre chemin.
Mais l'accès au fameux wadi était également bloqué. Parce qu'en
plus de l'eau, comme les crues sont très violentes, les routes sont
envahies de pierres. Les habitants des villages des wadis ont
l'habitude et garent leurs voitures de l'autre côté de la rivière
lorsqu'il va pleuvoir. Ils traversent à pied et ne sont donc pas
coincés. Le ciel était toujours menaçant, la météo des jours à
venir peu encourageante, nous avons rebroussé chemin et repris cette
route de montagne dans laquelle j'ai encore failli mourir.
Nous nous sommes réfugiés deux jours à Ibra, faisant réparer notre
roue et goûtant à la douceur de cette ville paisible. Les locaux nous
on confirmé qu'il ne fallait pas aller dans les
Wadis durant quelques jours. Bernard nous a confirmé que c'était
très dangereux et qu'il fallait surtout toujours écouter les locaux.
Nous avons visité le souk des femmes dont je vous reparlerai et sommes
repartis pour Sinaw où se tient un très beau souk le jeudi avant de
partir pour Nizwa et son marché aux animaux du vendredi.
Mais... Mais un énorme orage a éclaté mercredi soir et il a plu toute
la nuit et encore ce matin. Et nos voisins nous ont dit que la route
de Nizwa est coupée par l'eau et que cette nuit 6 voitures ont été
emportées... La rivière monte à une vitesse folle, c'est très
impressionnant, les wadis sont pleins (mais nous sommes en sécurité
maman et jolie maman) La météo nous annonce des orages tous les jours
donc nous sommes bloqués.
Comme dit Xtophe, après tout c'est quand même mieux que Qatbit. Et
nous sommes nourris par les voisins et invités et adoptés comme
toujours.
Rachel a déjà des copines évidemment.
Nous élaborons déjà des plans de secours, vous savez comme nous
aimons ça. Sauf que face à la nature et à la montée des eaux, nous
sommes totalement impuissants et ne pouvons que patienter (nous
commençons à savoir faire) et goûter la fraicheur retrouvée avec
nos voisins qui trouvent très exotique ce temps européen, car il ne
pleut jamais en avril et il n'a pas plu ainsi depuis 10 ans. Comme ils
disent : aujourd'hui c'est jeudi, il pleut et vous êtes là, c'est un
jour de fête ! Que la fête  ne continue pas trop quand même...

vendredi 13 avril 2012

Merveilles d'Oman et histoires d'oeufs



Première merveille et pas des moindres  : les cloches sont passées à
Mascate ! Nous avons été invités chez Juliette pour une chasse aux
œufs avec les enfants du catéchisme. La veille, nous l'avions juste
contactée pour connaitre l'horaire de la messe en français et elle
est venue nous inviter, nous proposer diner, douches et lessives mais
surtout une chasse aux œufs inespérée. Quand il fait 40 et qu'on n'a
pas de frigo, difficile de jouer les cloches même quand on est expert
en la matière. Mais nous avons eu à Oman une révélation qui
pourrait bien être utile pour les Pâques du Pays-Basque : les cloches
déposent dans les jardins des œufs... en plastique ! Il suffit
ensuite de les échanger contre des œufs en chocolat. Voilà donc un
stratagème de pays chaud que nous pouvons adopter dans nos contrées
pluvieuses (amis écolos je vous entends d'ici : des œufs en bois
feront également l'affaire). Nous avons passé un très bon moment
avec plusieurs familles françaises que nous avons ensuite retrouvées
le soir pour la messe à laquelle les enfants ont participé
activement. Entre temps les cloches sont passées pour les grands
puisque comme convenu, l'agent à qui nous avions confié nos
passeports, est venu nous les rapporter, sur notre parking, enrichis
de beaux visas de transit pour l'Arabie saoudite.
Dimanche soir nous avons été invités pour un délicieux dîner
pascal dans une autre chouette famille de Mascate. Mmmmmmhhhh l'agneau
comme à la maison (et même, et certaines comprendront ma joie toute
pascale : des Hooegarden !). Notre week-end Pascal aura été très
chaleureux grâce à l'accueil de tous ces omanais d'adoption.
Mais nous avons tout de même quitté la capitale, non sans avoir
visité son immense mosquée et son vieux quartier, pour nous diriger
plus au Sud. Entre deux criques nous avons rencontré une famille de 5
anciens (et futurs ?) grands voyageurs en vacances à Oman, avec qui
nous faisons bivouac commun depuis quelques jours. Difficile de vous
raconter toutes les merveilles ou découvertes que nous faisons chaque
jour. Mais impossible de ne pas vous raconter le Wadi Shab. Entre deux
pics montagneux, on marche une bonne heure, tantôt sur les rochers,
dans l'eau, au dessus d'eaux vertes et limpides, sous les palmiers, on
escalade, on grimpe... La montée en elle même est une aventure.
Gaspard ne cessait de dire : "Mais c'est un rêve là, un vrai rêve !"
ou de s'interroger : "Peut-être qu'on va arriver au pays des
merveilles ?" A vrai dire nous ne savions pas non plus vraiment à quoi
nous attendre. Au bout de cette montée on parvient à des bassins
naturels transparents. Les enfants s'en sont donné à cœur joie, les
parents aussi. Mais les plus courageux, ceux qui nagent jusqu'au bout,
et qui osent passer dans une faille minuscule, qui oblige les plus
grosses têtes (suivez mon regard) à passer sous l'eau, sont
récompensés quand ils parviennent dans une grotte à la lumiere un
peu inquiétante, qui abrite une cascade et sans doute des monstres
mystérieux. Nous avons un peu rêvé dans la grotte où nage la
sirène jusqu'à ce que Léon, effrayé par toute cette histoire, ne
nous oblige à revenir au grand jour.
Un autre jour nous avons aussi expérimenté la version naturelle de
ces soins des pieds que certains centres de thalasso proposent : dans
un bassin digne de "voyage au centre de la terre", de petits poissons
se sont régalés en nous grignotant les pieds.
Et enfin nous sommes arrivés à Ras al Hadd, lieu de ponte des
tortues. Xtophe avec son flair infaillible pour les bons bivouacs nous
a dégotté un petit coin de paradis entre deux plages de pêcheurs, à
la limite entre la zone non protégée et la zone de protection des
tortues. Nous avons à notre disposition 2 abris de pêcheurs
(rapidement les 7 enfants en ont annexé un, organisant des élections
présidentielles pour commencer puis, face aux fraudes électorales et
aux alliances suspectes, ont décidé que finalement ils prendraient
chacun un ministère et gouverneraient de concert, l'éducation civique
en action, rien de tel !), et surtout deux plages que nous ne
partageons qu'avec des pêcheurs et sur lesquelles viennent pondre des
milliers de tortues. Avant de nous rendre au centre qui organise les
visites sur les plages à l'aube ou le soir, nous avons décidé
d'attendre et de tenter notre chance tout seuls. Encore un luxe que
nous pouvons nous offrir puisque notre temps n'est pas compté.
Hier soir, les enfants couchés, nous décidons avec Delphine d'aller
faire un tour sur la plage, au cas où, sans trop y croire. Nous
papotons, rigolons, il fait noir et les lumières sont interdites pour
ne pas effrayer les tortues. A peine arrivées sur le sable à quelques
dizaines de mètres de notre campement, Delphine me montre un rocher et
prise d'un doute me demande quelle taille peut bien faire une tortue.
Je rigole, lui dis que je ne sais pas mais que j'ai un peu peur, et
que ce n'est qu'un rocher. Nous gloussons... Jusqu'à ce que le rocher
souffle, ne se mette à bouger, et que Xtophe qui nous rejoignait nous
confirme, désolé par notre nouillitude que c'était bien un tortue.
Elle était entrain de finir de reboucher le trou où elle avait pondu.
Moment incroyable. Nous avons couru tirer nos enfants de leur nid, ils
ont eu le temps d'apercevoir le mastodonte repartir dans l'eau. Nous
avons parcouru rapidement la plage, en vain, mais vu les traces sur le
sable, nous savions que ce n'était pas un fait isolé.
Ce matin, plein d'espoir, nous avons remis le réveil à 4h30. Les
copains étaient partis au centre de Ras Al Jinz. Les 3 grands et moi-
même sommes repartis sur la plage, dans le noir. Partout sur le sable
ces traces impressionnantes que laissent les animaux dans leur sillage
(de longues et larges trainées et des cratères) avaient transformé
la plage en un vrai champ de mines ! Et soudain, elle était là. Une
très belle tortue verte. Nous n'osions plus respirer, instinctivement
tous accroupis nous avons compris qu'elle repartait vers l'eau. Mais
cette tortue était un peu déboussolée et a pris un chemin très
détourné pour retrouver la mer. (Depuis nous avons appris que c'est
à cause des lumières de la ville sans doute) Du coup nous avons pu la
suivre longuement de loin. Puis le jour se levant, nous avons pu la
découvrir vraiment, petit à petit et nous sommes approchés au moment
où elle allait disparaitre dans la mer. Gaspard était très ému
(même s'il est un peu choqué que les mères viennent ainsi abandonner
leurs oeufs) et a eu beaucoup de mal à se retenir de la caresser.
(Xtophe a pu nous rejoindre avec l'appareil photo et immortaliser
l'instant)
Quelle magie : la plage pour nous seuls, en pyjama, le silence, le
jour qui se levait et cet animal incroyable, épuisée après être
venue sur les lieux de sa naissance pondre ses 5-6 kilos d'oeufs, les
enfouir, creuser ensuite de faux nids pour tromper les prédateurs, et
traîner ses 150 kgs jusqu'à la mer - C'est pas un mâle qui ferait
ça ! -...
Nous sommes fatigués, les écoliers ne sont pas très efficaces, mais
nous sommes enchantés. Du coup nous restons un ou deux jours de plus
dans ce petit Eden, bien décidés à boire notre Tang sur la plage à
la nuit tombée pour attendre de revoir nos majestueuses voisines des
mers et tenter d'apercevoir la courses folle de leur progéniture qui
couve sous nos pieds.

samedi 7 avril 2012

Noël à Boukhara, Pâques à Muscat



Nous revoici à Oman. Nous respirons. Les Emirats malgré les
rencontres que nous y avons faites, nous laissent un goût amer. Quand
nous rêvons d'un monde plus juste, d'égalité des chances, de
developpement durable, de consommation raisonnable voire de
décroissance, d'une vie plus simple, nous préférerions ignorer que
le modèle des Emirats existe. Et qu'il fait rêver. Il fait peut-
être, sans doute rêver son voisin Oman, mais pour le moment le
sultanat a su garder, malgré son developpement ultra rapide, une
authenticité, une âme et une serenité bien éloignée de la
frénésie emiratie.
Au fait, vous rappelez vous comme cet hiver, dans les moments
difficiles, par exemple, au hasard, ceux où le camping-car était
entierement gelé, où il faisait -15, nous rêvions de ces moments où
nous aurions chaud ?
NOUS Y VOILA. Nous crevons de chaud. Il fait 40 degrés, nous
dégoulinons sans rien faire, nous nous enrhumons la nuit parce que
nous avons mis en route la ventilation, nous buvons de l'eau chaude
(puisque notre frigo est en panne, ce qui ne posait aucun problème cet
hiver), cherchons l'ombre et nous rafraichissons dans la mer,
bouillante aussi.
C'EST AFFREUSEMENT BON !
Nous avons donc cherché le frais à Al Sawadi. Nous avons pu nager au
milieu de poissons magnifiques, qui semblaient bien indifférents à
notre présence, cette impression de se trouver dans un aquarium est
incroyable. Puis nous avons bivouaqué sur la plage en compagnie de
Dominique et Odile, français en vacances, avec eux nous avons admiré
la valse des voitures omanaise le soir sur le sable (c'est le sport
national ici), les matchs de foot, parce que les plages se couvrent de
jeunes jouant au football le soir. Il faut se rappeler que la
population omanaise est très jeune puisque chaque famille compte en
moyenne 7 enfants. Nous avons pu aussi nous endormir (ou pas) au son
de la musique et des chants omanais, mille fois mieux que la techno ça
c'est sûr. Parce qu'à Oman, comme aux Emirats et comme dans beaucoup
de pays finalement aussi, tout le monde vit le soir. Et nous
commençons à comprendre pourquoi...
Nous sommes ensuite allés faire un tour dans les montagnes et visiter
le fort de Nakhl. Le fort est splendide, parfaitement rénové, à
l'ouzbek (un peu trop donc à nos yeux d'européens romantiques
amoureux des ruines - Xtophe, n'y vois rien de personnel) comme on dit
chez nous et nous nous sommes même installés dans une de ses salles
pour faire une sieste au frais, ni vus ni connus. Mais ce que nous
préférons c'est rester au sein du village et regarder (et
entendre...) la vie se dérouler autour de nous. Difficile de prendre
des photos, d'autant que les femmes n'aiment pas ça ici. Mais ils sont
beaux ces omanais dans leurs costumes blancs gris ou bleus et avec
leur petit chapeau brodé ou leur turban sur la tête. Les femmes des
montagnes ne sont pas toujours en noir, elles ont des tchador et des
tenues fleuries et colorées qui me consolent un peu. Parce qu'il faut
quand même savoir qu'ici comme aux Emirats, beaucoup de femmes sont
entièrement voilées, leur visage est parfois totalement recouvert
(entre nous c'est vraiment atroce et ridicule quand on y pense),
beaucoup n'ont que les yeux qui dépassent, et il n'est pas rare de
croiser des femmes portant une sorte de masque de cuir ou de métal.
Très impressionnant. Révoltant.
Et nous voici, à Mascate, la capitale d'Oman, pour le week-end Pascal.
D'immenses avenues ou routes ultra modernes longent une côte rocheuse
et découpée. Pour le moment nous ne nous sommes occupés que
d'intendance (chez Carrefour, quel exotisme !), et de notre dernier
Visa.
Comment ça votre dernier Visa ?
Non je vous rassure, le dernier Visa que nous devrons prendre avant
l'arrivée dans le pays. Les suivants se feront aux frontières (inch
Allah). Notre dernière (inch Allah bis) galère administrative donc.
Le Visa pour l'Arabie saoudite n'est pas simple à obtenir. Certains
nous avaient dit qu'il était impossible de se procurer ce fameux Visa
de transit. Heureusement nos recherches et d'autres voyageurs nous
avaient rassurés et puis après l'Asie centrale on n'a plus peur de
rien en matière de défi  diplomatique.  Enfin surtout nous avons eu
la chance d'être précédés, pour cette partie du voyage, par deux
familles en camping-car. Les premiers ont arpenté les ambassades et
les agences, bataillé, cherché et ont obtenu leur Visa, à Muscate,
dans des délais inespérés, alors qu'on leur avait annoncé deux mois
d'attente. Les seconds se sont cassés le nez à l'ambassade d'Arabie
saoudite aux Emirats, ils ne connaissaient pas les premiers. Ils sont
donc revenus à Oman chercher le précieux document et l'ont obtenu en
un claquement de doigts et en 24h. Et nous... Nous nous sommes
contentés de téléphoner à l'agent que nous avaient indiqué les
seconds, il est venu au camping-car, a pris nos documents, nos
passeports, et revient demain nous livrer nos visas à domicile... Nous
n'avons même pas eu de formulaire à remplir, pas de visite au
consulat, pas eu même le temps de lui offrir un thé. On ne serait pas
Toqués et on n'aurait pas vécu mille aventures administratives
rocambolesques on s'en inquièterait presque !
Merci donc les Bourbon et les Muller. Grâce à vos tuyaux, nous
profitons de la plage, de Mascate, d'un ami de Salalah qui est tombé
sur nous par hasard alors qu'il rendait visite à sa famille et nous
préparons aussi une Pâques inoubliable...




lundi 2 avril 2012

Les Toqués à l'école !

Grâce à notre ami Bernard, nous avons été invités à présenter notre voyage à l'école maternelle et primaire française de Al Ain. Ulysse et Rachel ont travaillé comme des fous sur un power point, qu'ils ont préparé entièrement seuls (avec quelques conseils que mes anciens élèves connaissent - j'espère - par coeur). Nous avons été épatés de les voir si à l'aise à la fois avec l'informatique (les tableaux numériques et autres merveilles pédagogiques modernes n'ont pas de secret pour eux), mais surtout avec leur auditoire. Même Gaspard a très bien participé, lui qui était réticent à l'origine. Enfin, il a pu parler quand cheftaine-prof Rachel a bien voulu lui laisser un peu la parole. C'est vraiment leur vision du voyage qu'ils ont pu exprimer et nous comptons bien leur demander de peaufiner leur présentation pour le retour.
Du coup Rachel et Gaspard sont restés passer le reste de la journée en classe, ravis de l'ambiance très familiale de cette école qui décolle dans laquelle nous avons passé un très bon moment. Merci à Chantal et son équipe pour leur accueil ! Il est étonnant et intéressant pour nous aussi de découvrir les écoles françaises de l'autre bout du monde.
Et finalement cette journée résume bien notre, nos séjours aux Emirats. Parce que les rencontres se sont multipliées, parce que ce pays n'est pour nous qu'une escale entre plusieurs périodes de notre voyage, nous n'aurons que peu arpenté les Emirats, mais nous y aurons passé de très bons moments avec d'autres voyageurs, au long cours ou expatriés.
Nous aurons rechargé nos batteries, parlé français, anglais, découvert un univers dingue, effrayant sur beaucoup de plans. Nous aurons surtout rencontré des gens formidables, que nous n'aurions jamais croisés sans ce voyage. Merci à tous pour votre accueil, votre aide, pour ces discussions, ces réflexions et surtout ces moments partagés.
Ce n'est qu'un au-revoir puisque nous repartons demain visiter le Nord d'Oman et demander nos visas pour l'Arabie saoudite. Nous passerons donc une troisième fois aux Emirats dans quelques semaines, avant d'entamer la dernière partie de notre voyage. Et oui... il faut bien se rendre à l'évidence, la fin approche, nous devons déjà penser aux inscriptions pour la rentrée et autres réjouissances de la vie normale, afin de pouvoir profiter sereinement jusqu'au dernier moment de notre année buissonnière.