Nous qui avons visité tant de sites magnifiques, qui nous promenons dans les civilisations, les ruines et les musées, il était temps que nous découvrions un peu les dessous de ces histoires et ceux qui creusent, dépiautent, analysent et mettent à jour notre histoire : les archéologues. Je vous préviens de suite, ces gens-là sont fous, ils font un travail de fourmis et de titans à la fois.
Accueillis par la très célèbre archéologue française Fanny B.S. de Biarritz, amie de... 30 ans (non maman, je ne me suis pas trompée dans mon calcul...), nous avons eu la chance de bénéficier d'entrées VIP sur le site du village néolithique de Beisamoun, au nord du lac de Tibériade. Tous les ans, Fanny et son équipe (13 étudiants français, belges, américains, espagnols cette année) viennent fouiller durant 5 semaines afin de mettre à jour les secrets d'une période de la préhistoire encore très mystérieuse. (Gaspard spontanément appelle cela "enquêter" et il n'a pas tort, c'est une immense enquête) Je ne vous raconterai pas les détails de leur travail parce que Ulysse, qui rêve depuis des années d'être archéologue et a pleinement profité de cette aubaine pour s'incruster dans l'équipe, veut le faire lui-même. (Et dans les grandes nouvelles, sachez que le blog d'Ulysse est de nouveau à jour !!!) Deux petites anecdotes toutefois : notre Léon a employé à cette occasion ses premiers "pourquoi". Après avoir observé longuement le chantier, en avoir fait le tour avec nous, il nous a interrogés, héberlué : "Pourquoi prennent les cailloux ???" "Pourquoi enlèvent les cailloux ???" "Pourquoi prennent les cailloux ???" Je pense qu'il ne s'en est pas remis, je vous disais qu'effectivement ces gens-là faisaient un travail de toqués... Et en partant, Gaspard, toujours aussi nuancé, s'est écrié : "On n'a jamais rien fait d'aussi cool !". Vous l'avez compris, c'est passionnant pour nous tous, nous avons appris énormément de choses et nous reviendrons à la fin du chantier pour voir l'évolution du site et le premier bilan.
Durant les fouilles, Fanny et son équipe logent au kibboutz Gadot, où nous nous sommes installés, expérience indispensable en Israël. En plus tous les week-end le célèbre mari de la célèbre archéologue, privé de fouilles cette année pour cause de travail à terminer à Jérusalem, la rejoint avec leur enfants et nous avons pu tous ensemble fêter Shavouot, fête religieuse juive, fête des récoltes qui donne lieu à une grande fête pour les enfants le dimanche dans tous les kibboutz.
Mais alors, à quoi ça ressemble vraiment un kibboutz ? Nous n'en sommes qu'au début de notre enquête et de notre découverte, et nous vous en dirons plus dans quelques semaines. Nous pouvons toujours vous livrer nos premières impressions et informations concernant le kibboutz Gadot.
Un kibboutz est un village fermé, ici de 250 habitants, qui en général a développé une activité principale (souvent l'agriculture, qui a cédé la place ici à une usine de plastique) L'architecture est plutôt moche, les maisons sont faites en béton armé et de bric et de broc mais la végétation luxuriante l'atmosphère de vacances la fait oublier. Les kibboutz fonctionnaient autrefois totalement sur un système communiste, non marxiste mais inspiré de Tolstoi. ( Vous voyez que les étapes de notre voyage sont terriblement imbriquées) Tous les revenus étaient mis en commun, et aucun argent ne circulait dans le kibboutz où tout était gratuit. Les repas étaient servis au réfectoire, un parc de voitures était à disposition des kiboutzniks (je manie mal le pluriel et la grammaire hébraiques excusez m'en). L'idéalisme de l'égalitarisme était poussé à son paroxysme avec l'éducation des enfants hors des familles : dès la naissance ils étaient déposés à la pouponnière et ne voyaient leurs parents qu'une heure le soir... Le kibboutz payait les études des enfants.
A priori plus aucun ou plus beaucoup (nous devons creuser la question) de Kibboutz fonctionnent ainsi, ils ont dû évidemment faire preuve à la réalité et à l'impossibilité de vivre ainsi en circuit clos. Désormais chacun garde ses enfants (alleluia), ses revenus, paye un loyer, paye ses courses au magasin central et ses repas au réfectoire (il pleure dans mon coeur d'idéaliste...). Il semblerait que les kibboutzims aient été divisés en "lots" divisés entre les kibboutzniks. Mais le lieu demeure particulier et un certain état d'esprit demeure. Tout d'abord les voitures ne circulent pas dans le kibboutz : des parkings sont aménagés tout autour du village, et seuls de petits véhicules, pour la plupart électriques, circulent à l'intérieur pour les personnes âgées ou les employés du kibboutz qui se déplacent beaucoup. Un parc de voitures de location demeure à disposition des habitants. Une belle piscine est accessible à tous, ainsi que de nombreuses aires de jeux pour les enfants, sans parler de toutes les pelouses, forêts, abris anti-aériens transformés en salles de musique, en pub, et qui font des cabanes formidables pour les petits toqués. Ensuite le réfectoire fonctionne toujours, le midi surtout pour ceux qui travaillent à l'usine, mais aussi tous ceux qui veulent, le soir uniquement s'il y a des groupes de touristes (surtout des jeunes américains qu'on essaie de convaincre de venir vivre en Israël) qui logent alors dans le BandB du kibboutz, et surtout le vendredi soir pour le dîner de Shabat. Là une grande partie du kibboutz se retrouve en famille pour venir prendre ce repas en commun. Ensuite un café est offert en bas, et tout le monde peut ainsi se rencontrer, papoter. Ceux qui nous connaissent et connaissent nos rêves de cantine des familles se douteront que nous avons adoré le concept et en rêvons pour le dimanche midi. En ce week-end de fête, toutes les familles étaient réunies, les jeunes reviennent, ceux qui en ont besoin se voient octroyer des piaules et maisonnettes pour l'occasion. La fête en elle-même ressemble un peu à une fête de village avec son lot de discours (en hébreu on n'a pas tout suivi mais ça parlait beaucoup de récoltes, d'Israël et de la bible), de danses plus ou moins réussies et plus ou moins de bon goût des enfants et des adultes, de chants, poèmes, de la présentation des bébés de l'année coiffés de leur couronne de fleurs. La fête des enfants vaut le détour. Sponsorisée par l'usine du kibboutz, elle leur offre des attractions qui font rêver les scouts qui ne sommeillent pas en nous mais qui feraient frémir toutes les commissions de sécurité de notre douce France. Gaspard a fait honneur au buffet royal (barbapapa, pop-corn, glaces, boissons, hamburgers et hot-dogs à volonté), la musique, trop forte et trop folklorique, avait parfois des accents de chants basques. Le bon côté c'est que tout le monde parle anglais, et que puisqu'il n'y a pas de voitures et que tout le monde connaît tout le monde, les enfants sont totalement libres et peuvent vivre leur vie. Le kibboutz a pour nous des allures de village-vacances avec cette dimension historique et politique passionnante. Evidemment,comme pour tout en Israël, la réalité est complexe, les enjeux idéalistes des kibboutz se sont mêlés et emmêlés avec d'autres enjeux politiques et nous aurons l'occasion d'en reparler. Mais ils ont su s'adapter et s'ouvrir, même si les barbelés sont toujours là, si le portail se ferme toujours la nuit.
En tous cas, entre la découverte de l'archéologie, celle du kibboutz, les moments passés avec nos amis qui nous ont gâtés, régalés de champagne, de foie gras et de boudin délicieux (du BOUDIN !!!), nous ne voyons pas le temps passer. Nous reviendrons dans quelques semaines mais désormais nous sommes attendus par d'autres amis voyageurs sur les rives de la Mer Morte.