lundi 9 janvier 2012

Les Toqués renaissent de leurs glaçons

Le 4 janvier au matin, nous n'en menions pas large lorsque nous avons
arrimé notre Toqcaravane à un minibus pour partir de Khiva et
rejoindre le Turkmenistan. Comme nous étions particulièrement en veine
à ce moment-là, nous n'avions pas pu recharger les batteries du
camping-car la nuit, puisque nous avions eu droit à une immense
coupure d'électricité. Même mes amies nouillettes comprendront que
sans moteur nous n'avons pas d'électricité donc pas de chauffage...
Les enfants et moi avons donc pris place dans le minibus avec deux
soeurs de la gérante de l'hôtel où nous étions garés à Khiva. Elles
étaient charmantes, on a échangé tant bien que mal et j'ai cru
comprendre qu'elles allaient nous aider au Turkmenistan.
Heureusement pour Xtophe, seul au volant du Toqcongélateur, la route
n'a pas duré très longtemps. Les formalités se sont déroulées sans
encombre côté ouzbek et notre chauffeur nous a tractés jusqu'à la
ligne de démarcation entre les deux pays. Là nous avons attendu,
tâchant de comprendre ce qui nous attendait véritablement. Finalement
les douaniers ouzbeks nous ont poussés pour franchir le petit pont qui
sépare les deux pays, et le minibus qui permet aux piétons de
traverser le noman's land de 200m nous a tractés jusqu'au poste
frontière turkmène. Hasard ou coincidence, arrivés à bon port, ce
minibus a rendu l'âme...
Les formalités se sont révélées longues et onéreuses côté turkmène. Le
responsable de l'importation des véhicules a commencé par nous dire
qu'il ne pouvait nous laisser entrer avec un véhicule en panne (ah bon
?). Nous lui avons expliqué la situation, et n'avons pas compris par
quel miracle mais finalement il a vite changé d'avis, aussi vite qu'il
est tombé amoureux de moi puisqu'il ne voulait plus de Xtophe pour
gérer la situation. Le charme du bonnet...
Alors que le jour commençait à faiblir et que nous nous demandions
comment nous allions ensuite nous débrouiller à Dachoguz, dans un pays
inconnu qu'il nous fallait traverser sans moteur, nous avons eu la
surprise de constater que les deux femmes avec qui nous avions voyagé
jusque là nous attendaient après la frontière avec une voiture, prête
à nous tracter. Et ils nous ont emmené jusqu'à chez eux. Garés,
branchés sur l'électricité, nous avons été invités à manger dans une
magnifique salle Turkmène, avons eu droit à des salades, du plov et
des sucreries. Et nous nous sommes mis d'accord avec des hommes de la
maison pour qu'ils nous tractent jusqu'à Ashgabat le lendemain.
Le lendemain matin, toujours poursuivis par notre chance du moment,
nous nous sommes réveillés sous la neige ! (à la lisière d'un immense
désert...) Il nous a fallu chaîner la voiture-tracteur et serrer les
dents. Heureusement, nous avions pu recharger la batterie ce qui nous
a permis de laisser notre chauffage en route pour les enfants. Devant,
c'était une autre affaire.
Je ne vous dis pas l'équipage dans la Roulottoquée : tous avec nos
manteaux et nos bonnets, puis en fin de journée avec nos couvertures.
La route a duré 11 heures, 11 heures sans le bruit du moteur certes,
mais pas de tout repos. Nous avons traversé un immense désert, vu nos
premiers dromadaires. En l'absence de ventilation, j'ai passé ces 11
heures à désembuer le pare-brise grâce à notre super balai-raclette ;
je suis désormais qualifiée en tant qu'essuie-glace. Et courbattue.
Mais en fin de journée, la buée a commencé... à givrer ! Nous avons
donc dégainé le chalumeau à gaz de Xtophe et toutes les 5 minutes nous
faisions fondre la glace pour pouvoir y voir, et ce dans la nuit, en
ville, avec les warnings de notre voiture-tracteur dans les yeux...
L'arrivée à Ashgabat a été difficile. Nous étions épuisés, glacés,
n'avions plus d'électricité pour le chauffage, même les déesses
Nintendo nous avaient lâchés depuis longtemps. Et il fallait trouver
un endroit correct et avec électricité où s'échouer... Après plusieurs
demi-tours, refus de se laisser larguer dans des endroits pourris, le
tout dans le noir, le froid et sur la glace (sinon c'est pas drôle),
nous avons trouvé un parking pour poids lourds et voiture, apparemment
correct. Quelque part dans Ashgabat.
Le soir, avant de nous coucher nous avons eu la bonne idée de relire
nos guides et consulter nos cartes et avons découvert que la frontière
par laquelle nous comptions passer deux jours plus tard, se situe au
milieu de routes passant à 2000m d'altitude... Tout pour nous
rassurer.
Le lendemain matin, Xtophe a eu la confirmation par le gardien du
parking et d'autres hommes traînant là : d'après eux il est impossible
de se faire tracter sur ces routes, il nous fallait mettre le
Toqcarépave sur un camion. Franchement nous étions au bord du
découragement. Heureusement nous étions bien entourés, toute cette
bande, ne parlant pas un mot de français ni d'anglais a décidé de nous
aider. Ils se sont tous penchés sur le moteur, tout en passant des
coups de fil pour nous trouver de l'aide. Je suis partie au
ravitaillement avec Ulysse parce que évidemment, nous n'avions pas un
manat en poche, pas d'accès au réseau téléphonique, plus rien à
manger, la misère. Il faudra que je vous parle d'Ashgabat parce que
cette ville dépasse l'entendement. Si vous en avez l'occasion, allez
voir quelques photos sur le net, cette ville
futuristo-mégalo-marbrée-dorée enneigée et avec les décorations de
Noël, ça vaut son pesant de pipas.
Et alors que je faisais les mille formalités nécessaires à l'achat
d'une carte sim, coup de fil de Xtophe (grâce au téléphone d'un de ses
assistants, sur le téléphone de mon chauffeur de taxi) : alors que
pour la énième fois il redémontait des pièces du moteur, le gardien du
parking a mis le doigt sur le problème : des fils brûlés. (diesel ?
Mauvaise route ?) Ils ont alors coupé, rallongé les fils et les ont
tous reconnectés un à un. Et... notre courageux Toqcar a redémarré,
comme en 11 !
Vous imaginez l'euphorie à bord. Et une fois de plus, c'est grâce à
l'aide de ces personnes rencontrées par hasard, qui ont donné de leur
temps, que nous nous sommes tirés d'une situation vraiment délicate.
Je ne suis pas sure qu'ils aient mesuré à quel point ils nous ont
rendu service et nous pouvons dire que les Turkmènes sont sans doute
encore plus précieux que leurs bâtiments.
Nous avons donc pu franchir la route montagneuse incroyable qui sépare
le Turkmenistan de l'Iran tout seuls, comme des grands. Et nous étions
quasi seuls aussi à la frontière iranienne. Nous attendait là une
autre difficulté, puisque, volontairement, nous sommes partis sans
Carnet de Passage en douane, document nécessaire à l'entrée en Iran
avec un véhicule. Mais document très onéreux. Comme toujours les
iraniens se sont montrés très courtois. Nous avons passé 5 heures à
discuter, insister, mais 5 heures avec des gens charmants, dans des
fauteuils, à boire le thé. Et alors qu'ils nous annonçaient qu'ils ne
pouvaient nous laisser que 4 jours dans le pays, finalement, moyennant
finances, nous avons obtenu un permis d'un mois.
Et voilà comment en deux jours notre moral et l'avenir de notre voyage
ont tourné !
Nous voici en Iran, dans ce pays que nous adorons. Nous quittons
demain la ville sainte de Mashad pour rejoindre Téhéran, où nous avons
rendez-vous avec l'antenne de la Maif, en espérant qu'ils pourront
nous aider à faire des réparations durables sur le Toqcar.
Inch Allah ...

10 commentaires:

  1. Youyouyouyouyouyoyuouyouyouyouy !
    C'est bon de lire ce récit TT. :)
    Content de voir que le plus dur est passé, on n'en menait pas large pour vous quand vous étiez coincés... Mais encore une fois vous nous prouvez que rien n'est impossible ! J'imagine l'ambiance à bord pendant la route homérique. Trop crispés et concentrés pour vous engueuler ou hystériques ?
    Bises à tout le monde reposez vous bien en Iran et redonnez un coup de jeune à votre camion, je suis sûr que vous aller rebondir fastoche.
    Ximun.

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  2. Yes!! vous l'avez fait! bravo
    c'est presque émouvant de voir à quel point les gens peuvent être généreux, comme ça, gratuitement. ça fait réfléchir!
    Enjoy Iran!

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  3. Franchement, on était inquiets pour vous puis on a ri du récit très pittoresque.
    C'est un voyage mouvementé mais si riche de rencontres qu'on en devient presque envieux mais en tout cas charmés !

    Comme l'écrit Nico plus haut, c'est émouvant de voir ces gens sans doute démunis vous aider ainsi !

    Allez bonne route à vous, on vous suit de près ! :-)

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  4. ouah quel voyage!!!
    que d'imprévus!!
    bonne route en Iran alors

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  5. Ravie pour vous, je sens que vous avez dû vivre des moments assez angoissants, alors, surtout, profitez à fond de cette nouvelle étape ! Plein de bises
    Nath de Paris

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  6. vous êtes FORMIDABLE !
    Bonne continuation,
    bien à vous.

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  7. Claire Faure (Saillans, Drôme), famille.faure@yahoo.fr10 janvier 2012 à 10:20

    Bonjour ! Je vous suis sur votre blog depuis plusieurs semaines avec bonheur... Notre tour de voyage en famille (4 enfants comme vous, mais sans camping-car) arrive dans un peu plus d'un an... Bonne traversée de l'Iran après toutes ces péripéties : régalez-vous dans ce pays magnifique et chaleureux !

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  8. Les mots me manquent une fois de plus !!!!! Bon courage....

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  9. Vous êtes vraiment des chefs !!!
    Cramer des fils électriques au chalumeau pour provoquer des opportunités de rencontre, attendrir des douaniers voire obtenir de la nourriture et de l'électricité gratuites, fallait y songer !!!
    Bravo d'avoir tenu le coup, de vous être dépêtrés de là et surtout bonne suite !!!
    nihlo-rita-victor depuis Singapour

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  10. Pierre-Alexandre16 janvier 2012 à 13:34

    Yeeeeaaaaaaah ! Bien content pour vous que le voyage reprenne un rythme un peu plus normal. Enfin normal... Dès la préparation du périple, la normalité a été mise de côté.
    Un grand merci à vos amis de galère qui, par leurs charmantes attentions et généreuses actions, vous ont permis de repartir sereinement et nous permettent de vous suivre agréablement.
    La bise les amis et puis: bonne route !!!

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