Les sentiments : dans quels buts êtes-vous partis ? Quelles découvertes voulez-vous faire ?
Ce qui nous a donné envie de partir c'est la conscience que le temps passe très vite, et que trop souvent nous nous laissons envahir et déborder par le quotidien, le matériel alors que l'essentiel n'est pas là. Nous avons eu envie de passer du temps de qualité tous ensmble en famille, conscients que c'est ce temps ensemble qui donnera à chacun la force ensuite de pouvoir vivre sa propre vie. Nous avons eu envie de vivre et de faire vivre à nos enfants des aventures exceptionnelles. Nous avons eu envie de découvrir le monde, des cultures, des paysages, des personnes différentes, dans des conditions assez idéales (le camping-car nous tient éloignés des circuits touristiques habituels, nous avons l'impression de découvrir les pays à notre propre rythme et à notre propre manière et surtout il nous permet beaucoup de rencontres, ce qui est quand même le plus intéressant dans le voyage). Envie de voyager tous ensemble et de prendre le temps de parler, lire, rêver, jouer, sortir totalement de notre quotidien, que nous retrouverons avec d'autant plus de plaisir. Et envie surtout de nous prouver, et que nos enfants sachent pour leur vie future, que rien n'est impossible.
Comment s'organise la vie de famille dans le camping-car ?
Le matin nous nous réveillons tard. Sauf programme exceptionnel, le réveil ne sonne jamais. Donc généralement avant 8h30-9h, personne ne bouge. Les moins affamés traînent au lit en lisant et nous prenons le temps d'un copieux petit déjeuner en famille. Puis les trois grands travaillent tandis que Xtophe et Léon vont faire des courses, s'occuper du linge, effectuer des repérages etc etc. S'ils ont fini assez tôt et que nous sommes dans un lieu qui s'y prête, en fin de matinée les enfants sortent jouer dehors tandis que nous préparons le déjeuner. Ou nous sortons tous déjeuner. Puis vient le moment sacré chez les Toqués : la sieste. Léon (bientôt 2 ans) et Gaspard (6 ans) dorment facilement 2heures tandis que les grands bouquinent. Souvent un groupe part soit se promener, soit se connecter à Internet (généralement un ou deux grands et moi-même). Et après le goûter nous sortons tous, avec ou sans but précis. Evidemment c'est une journée "type" et elles sont un peu toutes différentes. Souvent nous partons tous toute la journée pour visiter. Ou au moins une fois que l'école est finie. Et puis en fonction des rencontres, des lieux, de la saison, tout ceci change. Nous marchons beaucoup beaucoup puisqu'une fois que le camping-car est posé, nous ne le bougeons que pour partir, donc nous arpentons les villes à pied mais aussi en transports en commun et transports locaux, ce qui est très facile partout.
La nuit tombe tôt, et ici le froid avec elle, donc à 18h nous sommes tous rentrés. Nous jouons, lisons, écrivons, regardons une vidéo. Comme nous devons faire attention à notre consommation d'électricité (ce sont nos panneaux solaires et notre moteur qui nous alimentent), nous nous couchons très tôt. A 20h30 en général nous sommes tous couchés. Je crois que durant le voyage nous récupérons les années de sommeil en retard que nous avons accumulées, sans doute prenons-nous aussi un peu d'avance pour celles qui viennent... Le froid nous pousse à vivre beaucoup plus à l'intérieur que d'habitude, mais alors que nous le redoutions un peu, nous trouvons tous que c'est bien agréable. Le camping-car est un peu notre cocon familial.
Avez-vous déjà eu peur ?
Oui, nous les parents avons eu peur deux fois, la nuit en Russie. Et les deux fois parce que nous étions stationnés sans le savoir (une fois sur un parking de magasin et l'autre en pleine rue) sur le lieu où des jeunes venaient faire des courses de voiture, à grand renfort de vodka, de véhicules archi rapides et trafiqués. Les deux fois nous avons dû trouver un autre stationnement. Depuis nous sommes prudents et faisons en sorte de ne pouvoir jamais nous trouver à la merci de chauffards, donc nous cherchons des parkings clos ou en retrait de la circulation ou des culs-de-sac. Et nous faisons en sorte que l'arrière du camping-car (où dorment les enfants) soit toujours totalement protégé.
Nous avons eu un peu peur aussi lorsque nous nous sommes retrouvés seuls, sous la neige, au Canyon de Charyn, à la nuit tombante, il y a peu de temps.
Mais paradoxalement nous nous sentons très en sécurité dans notre camping-car, même à l'autre bout du monde et nous savons (et avons pu constater à maintes reprises) qu'en cas de problème, nous trouverons toujours de l'aide.
Aspects matériels et financiers : quels sont les gros problèmes que vous avez rencontré avec le camping-car ? Quel budget avez-vous prévu pour ce voyage ? L'avez-vous dépassé ? Avez-vous besoin de travailler sur place pour compléter le budget ?
Xtophe vient de terminer un message sur tous les aspects techniques, vous le trouverez en ligne très bientôt s'il n'y est pas déjà.
Pour la partie financière, sachez que ce voyage est le second de la sorte que nous faisons. La première fois, nous avons établi notre budget en nous renseignant sur les sites et auprès des autres familles qui ont effectué ce genre de voyage, en famille, et en camping-car, avant nous. Cette fois-ci, nous avons d'abord adapté notre itinéraire au budget dont nous disposions (nos économies personnelles). C'est à dire par exemple que nous avons éliminé les itinéraires qui nous auraient obligés à effectuer de grandes traversées maritimes (elles sont très onéreuses). Et nous avons l'expérience de notre premier voyage.
Notre budget est de 1500 € par mois, tout compris. Le gros du budget pour l'Asie centrale ce sont les visas (350/mois) et le gazoil (350/mois). Donc nous comptons, pour notre famille : 8€/personne et par jour. Si nous suivons l'itinéraire qui se dessine dans nos esprits actuellement, nous devrons aussi payer pour 3 traversées en Ferry que nous comptons faire rentrer dans ce budget.
Au quotidien nous faisons attention. Sans nous priver, nous cuisinons les produits locaux, privilégions les petits bouibouis aux vrais restaurants lorsque nous mangeons dehors. Le logement est généralement gratuit ou très peu cher (au pire nous payons dans les 2 euros la nuit de stationnement) Devant payer 6 visas pour chaque pays, nous nous renseignons afin de prendre si possible le visa dans le pays où il est le moins cher (étonamment il peut y avoir de grosses différences de prix du visa selon l'ambassade ou le consulat où on le demande) et nous tâchons de les obtenir au tarif le moins cher, tout simplement en optant pour le délai d'attente le plus long (d'où notre mois passé à Almaty par exemple).
Nous ne travaillerons pas en route, cela ne fait pas partie de notre projet et il faut bien le dire : ça ne nous rapporterait pas beaucoup d'argent. Nous ne dépasserons pas notre budget, tout simplement aussi parce que nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous tenons nos comptes très scrupuleusement et si nous réalisons que nous allons dépasser notre budget, nous modifierons notre itinéraire car nous l'avons aussi choisi pour les multiples possibilités de tracé qu'il nous offre.
La scolarité des enfants : comment les enfants suivent-ils leur scolarité et comment le travail s'organise-t-il ? Ont-ils droit à des interrogations ?
En France l'instruction est obligatoire, pas la scolarisation. Ne vous réjouissez pas trop vite... J'ai donc informé l'inspection académique qu'à partir de la rentrée 2011 mes enfants seraient instruits par nos soins. L'inspection ne peut refuser ce qui est un droit pour tous les français. Mais nous devons pouvoir nous soumettre à des contrôles de la part d'inspecteurs de l'Education Nationale qui vérifient que nous respectons bien les programmes officiels et que les enfants reçoivent l'instruction nécessaire. Notre situation est particulière, vous vous doutez qu'aucun inspecteur ne viendra nous voir en cours de route, donc les enfants devront sans doute se soumettre à un petit contrôle au retour. Ou pas, parce que comme ils réintègrent le système scolaire dès septembre 2012, je pense que personne n'est vraiment inquiet à leur sujet. Nous avons dû également en informer les services sociaux municipaux, et nous avions eu une visite d'une assistante sociale avant notre premier voyage. Cette fois, ils nous connaissent et ont bien noté que les enfants n'étaient déscolarisés qu'une année.
Donc nous avons choisi, avec l'aide de leurs professeurs, des manuels adaptés, et les enfants, à raison de une ou deux heures de travail par jour, suivent ainsi les programmes dans les principales matières. Ils travaillent en autonomie sur leurs livres et nous les aidons (les houpillons, les enguirlandons...) Ils n'ont pas d'interrogations comme en classe, mais font les évaluations proposées par leurs manuels que nous corrigeons scrupuleusement, sans les noter (une année sans note, n'est-ce pas le bonheur ?). De même nous leur faisons réciter les tables de multiplication, verbes irréguliers ou autres indispensables et nous discutons avec eux de leurs leçons. C'est une manière très différente de travailler mais les expériences qu'ils vivent au quotidien compensent largement leur scolarité peu orthodoxe.
La communication : avez-vous appris les langues des pays traversés et comment ? Comment faites-vous quand vous ne comprenez pas une langue ?
Nous sommes depuis fin juillet dans l'ex-URSS, le Russe est la langue principale ou du moins parlée par beaucoup, dans tous ces pays. J'ai pris 6 mois de cours de Russe, à raison de 2h par semaine. ça m'a permis de savoir lire l'alphabet cyrillique, ce qui est indispensable. Et ce qui me permet de tenir des conversations basiques et nous aide pour l'essentiel.D'après les russes j'ai même un très bon accent qui leur laisse croire que je parle très bien.
Sinon nous parlons, Xtophe et moi, anglais. Indispensable pour voyager. Notre anglais n'est pas aussi bon que nous l'aurions souhaité mais il nous permet de nous débrouiller partout et de communiquer avec tout le monde. Ulysse et Rachel comprennent aussi l'essentiel en anglais et peuvent à peu-près s'exprimer.
Je parle allemand, et mon allemand ne m'avait jamais autant servi depuis le lycée, parce que, pour des raisons historiques encore, et grâce (à cause de ?) la RDA, de nombreuses personnes parlent allemand en ex-URSS.
Un conseil pour vous les jeunes : travaillez votre anglais, pratiquez-le, regardez des séries et des films en anglais, travaillez vos langues étrangères en général, il est frustrant de ne pouvoir communiquer, et tellement satisfaisant de pouvoir le faire.
Et lorsque nous n'avons aucune langue en commun, nous mimons, nous dessinons, nous sourions, nous nous en sortons toujours.
Les enfants ne sont-ils pas tristes parfois de quitter les gens qu'ils ont rencontrés ? Vos proches ne vous manquent-ils pas ?
Ulysse et Gaspard sont tristes de quitter les gens que nous avons rencontrés, très tristes parce que parfois nous vivons ensemble des choses très fortes. Rachel dit qu'elle n'est pas trop triste. Nous nous consolons en nous disant qu'aujourd'hui nous pouvons garder contact facilement si nous le voulons et puis ça fait partie du voyage, et ça rend aussi les rencontres plus intenses.
Et oui, nos proches nous manquent même si les moyens de communications actuels nous aident beaucoup à garder le contact. Le plus dur c'est de ne pas être là pour la naissance de nos neveux et cousins, et de ne pas être là pour soutenir ceux qui en ont besoin. Mais nous savons qu'une année passe très vite et que nous aurons largement le temps de rattraper le temps perdu, qui ne l'aura pas été dans tous les domaines. Et bientôt nous prendrons un petit bain de famille puisque dans 2,5 semaines mes parents viennent nous retrouver pour 3 semaines en Ouzbekistan, nous sommes tous très impatients !