Sans la moindre hésitation, nous avons remisé notre conscience écologique bien bien loin et nous avons laissé tourner notre moteur toute la nuit. Cela ne choque personne ici car de nombreuses voitures ont des moteurs qui s'allument à distance, ou même qui se mettent en route régulièrement tout seuls en cas de températures très basses."Ces Toqués, ils nous font croire qu'ils vivent des aventures folles dans des contrées mystérieuses et hostiles mais tu parles. ça commence à ressembler au Club-Med leur road-trip en Asie centrale !"
Je t'entends, hypocrite lecteur, et je te rassure, hier nous avons vécu une journée digne du Club Baikal. Ou du Club Arctique.
Après de très douces journées, l'hiver s'est décidé à tomber sur Almaty. Nous suivons de près la météo, et le savions mais nous n'avions pas mesuré le pouvoir du froid.
Mardi, après un petit passage au bureau du consulat iranien - routine - nous avons décidé de passer cette journée froide et pluvieuse dans un des lieux caractéristiques aussi de l'Asie : un mall. Ces immenses et luxueux centres commerciaux que nous avions découverts en Asie du Sud-Est continuent de nous laisser perplexes. Mais que fait-on toute une journée dans un centre commercial, vous demandez-vous ? D'abord on fait quelques tours d'escalators. Puis on fait un peu de lèche-vitrine, j'ai pu, par exemple, essayer tous les bonnets de tous les magasins, parce que j'ai un problème de taille : mon cerveau. Il est trop gros. Aucun couvre-chef asiatique n'est suffisamment grand pour moi et je risque à chaque instant le rhume de cerveau (et même si cet organe m'est assez inutile actuellement, il pourrait se révéler utile lors de notre retour à la civilisation et surtout lors de mon retour au travail). Nous avons aussi fait ce que jamais nous ne faisons à la maison : nous avons arpenté tous les rayons des magasins de jouets, parce que nous espérons quand même que le Père Noël nous trouvera cette année. Par la même occasion on prend en passant une petite dose d'univers familier, disons que c'est une maigre consolation à la standardisation mondiale parce que dans ces centres commerciaux, les magasins et les produits, à quelques exceptions près que l'on relève avec plaisir, sont exactement les mêmes dans tous les pays. On y mange aussi, on y boit des cafés, on s'y connecte. Les autochtones viennent aussi y jouer dans des salles de jeux immenses, bruyantes et clignotantes, se distraire dans des cinémas et comme nous surtout : s'y réchauffer. Voyant la neige qui commençait à s'accumuler à l'extérieur, nous avons pris notre temps pour faire ce pas-grand-chose.
Chose inhabituelle pour nous (mais que l'on voit depuis la Russie), le mall offre aussi une patinoire et les enfants ont pu parfaire leur technique, ils vont devenir très fort à force !
A la fin d'une telle journée on a quand même la tête comme une citrouille et on est pressé de retrouver le grand air et la vraie vie. Ou le grand air froid et la vraie vie d'aventuriers...
Nous sommes rentrés sur notre parking sous la neige mais comme nous avions rechargé nos batteries (ceci n'est pas une image) nous nous sommes endormis avec le chauffage réglé assez haut, ce qui nous rassurait également puisque nous savions que le thermomètre afficherait facilement -7 la nuit.
Nuit qui a été courte. Très rapidement notre chauffage s'est arrêté. Nous nous sommes étonnés parce que nous pensions avoir assez d'électricité pour tenir mais Xtophe s'est vite levé pour mettre le moteur en route. Sauf que... le moteur n'a pas démarré. Nous avions déjà fait des recherches sur la question et (merci Laurent) nous n'avons pas insisté : le gasoil avait gelé. Nous avons mis en route le plan hors-glace. Léon est venu dormir entre nous deux, les trois grands se sont regroupés sur une couchette, tout le monde a enfilé son bonnet et nous avons mutualisé nos couvertures. "Trois couchettes c'est la fête", chantiez-vous les courgettes, deux couchettes c'est bien aussi, on pourrait rentrer 3 Toqués de plus dans notre boîte à sardines (je plaisante Monsieur le Proviseur).
Vous imaginez bien que si certains d'entre nous se sont à peine rendus compte de la situation, deux d'entre nous n'ont pas fermé l'œil. Allumant les plaques de cuisson, remettant des bonnets, regardant les degrés disparaître sur notre thermomètre, la glace apparaître à nos fenêtres, et élaborant les pires scénarios, ceux que seule la nuit et l'inquiétude peuvent nous inspirer, nous avons longuement attendu le matin. Entendre le trop plein de notre chauffe-eau se vider parce que le gel s'attaquait à notre tuyauterie a rajouté du piquant à nos scénarios de film d'horreur.
Heureusement, nous ne sommes pas seuls ici. Après quelques cafés et tout en nous chauffant grâce à la gazinière, nous avons appelé notre ami Alex au secours et nous ne savons pas comment le remercier pour son aide.
Les enfants et moi avons vite trouvé refuge chez Alex et Ania, et tandis que Xtophe et Alex se démenaient pour faire redémarrer le camion, les enfants ont joué, j'ai papoté, lavé notre linge et tout le monde a pris un bon bain chaud. Hormis pour un délicieux déjeuner préparé par nos amis, Xtophe et Alex ont passé la journée entière à chercher des solutions afin de faire repartir notre moteur avant la tombée de la nuit et une nouvelle chute des températures. D'abord ils ont acheté des rallonges électriques et ont branché le ccar dans la cahute des gardiens ce qui nous a permis de relancer le chauffage. Ils ont installé un chauffage de salle de bain dans le moteur, ont démonté et remonté des trucs, on changé le filtre à gasoil, chassé toutes les fuites, démonté l'alarme, la rampe d'injection, le tout dans la froidure. En fin de journée, épuisés, face à un moteur refusant obstinément de coopérer, ils se sont résolus à appeler un mécanicien. J'aime autant vous dire qu'à ce moment-là nous n'en menions pas large même si mon optimisme et sans doute mon ignorance ont tendance à me laisser penser qu'un problème mécanique trouve toujours solution.
Lorsque le mécanicien est arrivé, Xtophe a voulu lui montrer le problème, a tourné la clé dans le contact et... le moteur s'est mis à tourner comme si de rien n'était. Classique. Magique. Euphorisant.
De ces mésaventures nous avons tiré des conclusions à la fois techniques et géographiques pour les semaines à venir. Nous vous en reparlerons. Nous avons aussi pu apprécier la solidarité de ceux qui nous entourent. En plus du soutien inestimable d'Alex, Marc, un français qui vit à Almaty depuis longtemps et qui a entendu parler de nous par un ami, est venu voir si nous avions besoin de son aide. Et nous voilà invités chez lui dimanche midi. Dans les moments difficiles, se sentir ainsi entourés est encore plus précieux.
Depuis, le son du moteur nous est très doux, le chauffage aussi, nous sommes à l'affût du moindre bruit inhabituel, et régulièrement à coup de chalumeau ou de notre chauffage électrique de salle de bain, notre chef mécano dégèle nos tuyaux et réservoirs. Notre valeureux Toqcar va recevoir quelques aménagements spéciaux (vous aurez droit à une revue technique, le chef y travaille) et nous attendons le retour des températures positives pour souffler un peu.
Vous le voyez, on ne s'ennuie pas au Club Baikal et nos récits vont enfin répondre à vos attentes en matière exploits enneigés et d'exotisme glacé.
La prochaine fois, faites-vous enfermer dans un mall et passez-y la nuit ;)
RépondreSupprimerJe suis baba devant les prouesses de ton mécano de mari et heureuse de voir que vous avez des amis partout...
Nath de B
(je me souviens bien de ce déguisement, en 1996 !!)
ahah mon investissement n'était pas vain ! mais je suis étonnée que vous les ayez gardés ces fameux Damart !!nous avions eu un email très "édulcoré" sur vos problèmes de froid ! heureusement, car nous nous serions inquiétés pour toute la tribu ! bisous
RépondreSupprimerGéniales les photos ! Cet arbre est magnifique et la lumière superbe. On comprend qu'ils aient envie de jouer dedans des heures et des heures.
RépondreSupprimerSinon, sache, chère belle-soeur, que durant mon adolescence il y avait, dans le mall du coin, une (mini)patinoire ouverte au moment des fêtes de Noël. Tu vois, la mondialisation commençait avant l'heure !
Enfin, promis, à partir de maintenant, malgré mon thermostat un chouïa déréglé, j'arrête de me plaindre du froid parisien. Bon courage et gros bisous à tous.
Elise
Chaque fois, j'ai du mal à réaliser que votre aventure se déroule au moment même où de notre côté, nous vivons notre quotidien habituel, plein de normalité et de petites choses insignifiantes. Je le réalise d'autant plus difficilement quand je pense qu'à la fin de de message je vais sortir étendre le linge dans le jardin avec un thermmomètre qui affiche 25degrés. Bref dans cette attente, de gros bisous qui réchauffent à tous.
RépondreSupprimerPS : tu remarqueras que j'ai enfin compris comment poster un commentaire (non, je ne te dirais pas combien de fois j'ai renoncé en constatant que mon commentaire ne passait pas.)
bug du 11/11/11 ? les dernières photos sont en doubles exemplaires !
RépondreSupprimerquelle aventure ce camion!!
RépondreSupprimerqui vous a autorisé à faire faire ce grand voyage dans le froid à "CoCo"!!
RépondreSupprimerMaud est très surprise... Hi Hi Hi
Brrrrrrrrrrrrr !
RépondreSupprimerOn ose à peine vous dire qu'à Bordeaux, on n'a pas encore allumé le chauffage, et qu'à Biarritz, le week end dernier, les gens se baignaient à la plage...
En tout cas, j'insiste et je persiste: je voudrais vraiment avoir la version de l'admirable et incomparable Xtophe.
Eh bé!!!! ...Passionnant !... en somme comment survivre dans un congélateur... c 'est à peu près ça !!!! souhaitons que le nid soit plus douillet à l 'avenir... Bises à tous !
RépondreSupprimerNice blogg post
RépondreSupprimer